Lemasdelolivine

Museum of Broadcasting, un million d’heures d’images

Vingt trois mille programmes, soit plus d’un million et demi d’heures de visionnage ! Toute la mémoire médiatique des États-Unis : c’est le patrimoine du Muséum of Broadcasting, un musée unique au monde. Soixante ans de programmes télévisés et radiophoniques sont stockés là, dans la 53ème Rue, à une encablure du Moma, le fameux Musée d’art moderne de New York. Rien ne manque, du discours de Franklin Roosevelt briguant la vice-présidence en 1929 à l’attentat de Reagan, en passant par les séries célèbres, (Colombo, Les Envahisseurs, Dynastie…), les shows de Sinatra, les concerts d’Elvis, et même les publicités. Un hall de proportions modestes, décoré d’affiches et de caméras de collection. Une fiche à remplir. Puis, moyennant 3 dollars et en moins de 10 minutes, on se retrouve attablé devant l’une des cinquante consoles high-tech du premier étage avec, au menu, l’histoire et les mythes d’un pays. A volonté, revoir Colombo en imper cradingue épingler l’assassin milliardaire ; frissonner avec l’un des 18 épisodes de la série «Alfred Hitchcock présents» ; ou bien voir Fidel Castro répondre en pyjama à une interview, assister une fois encore à l’assassinat de Kennedy ou aux premiers pas de Neil Armstrong sur la lune ; entendre Marilyn murmurer avec ce souffle qui lui tient lieu de voix : «Ce que je porte la nuit ? Chanel 5» ; voir le cow-boy Ronald embrasser l’actrice Nancy Davis qui ne s’appelle pas encore Reagan ; découvrir une Jane Fonda d’avant le féminisme glousser à la vue d’une cuisine briquée dans un spot irrésistible… Et puis se retrouver, grisé d’images, sur le macadam, en 1985… De quoi fasciner tous les marathoniens du petit écran. Curieusement, ce musée reste, comme les Américains le disent eux-mêmes, «Le secret le mieux gardé de New York». Il a été fondé comme on s’en doute par un Citizenkane : William S.Paley, fondateur de CBS. Non sans mal. A l’époque, en 1975, personne ne s’intéresse à la conservation des programmes. Dans ce pays qui a inventé la consommation de masse, on considère les émissions télévisées comme des denrées périssables. On les diffuse. Et puis on les jette après usage, comme des Kleenex. Paley, lui, pressent qu’un immense patrimoine est en train de sombrer dans l’indifférence. Il en parle à bon nombre de professionnels de la communication. Après avoir essuyé une bonne dizaine de refus, il reprend à son compte le projet, et acquiert les 3 étages du 1 East 53th Street. Mais sa plus belle victoire aura été de faire «l’union sacrée» avec les deux autres networks concurrents, NBC et ABC, qui s’engagent à alimenter en productions passées et présentes le Muséum qui en sera dépositaire. Alors qu’au dehors la guerre des ondes fait rage entre les chaînes, le Muséum est une «Suisse» des médias.Museum of Broadcasting Sponsorisé par les télévisions mais aussi par l’Académie des Arts et des Sciences, le Muséum of Broadcasting annonce un budget annuel d’un million et demi de dollars par an. «Pour des Européens, dit Robert Batscha, président de la fondation, et professeur de sciences politiques à Columbia University, ce chiffre peut paraître astronomique. En fait, il est à peine suffisant pour couvrir les frais de duplication et d’assurances». Le problème du stockage des copies, lui, s’est trouvé résolu grâce à la générosité d’un membre fondateur. Il a mis à la disposition du musée un abri antiatomique privé, dans le nord de l’État de New York ! Ainsi, et par hasard, la mémoire médiatique des États-Unis ne craint pas même un conflit nucléaire. Chaque jour, le musée lance ses «détectives-médias» sur la piste de tel ou tel programme disparu. Pour retrouver les deux ou trois minutes manquantes d’une- émission, le musée passe un «avis de recherche» auprès des compagnies qui ont, à l’époque, produit ou diffusé l’émission. On remonte la filière, avec l’espoir de mettre la main sur une copie intégrale. Souvent, le «receleur» est un technicien qui s’est mis une cassette de côté. Loin de le sanctionner, les détectives du Muséum le félicitent, tirent une copie, et lui restituent la sienne. L’enquête peut prendre des mois.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *