Lemasdelolivine

Batgirl au sommet

Gotham City

Gotham City, ville glauque et baignée de mystère. Cite de feu et de sang au nom synonyme de crime. dans ce sombre micmac de béton et d’acier, ou les pires canailles ne se distinguent plus des honnêtes citoyens, Vicki Vale, blonde et sensuelle, merle l’enquête. On ne sait d’elle que peu de choses : Vicki est journaliste-photographe au «Globe», elle revient d’un reportage au Corto Maltese et fait désormais équipe avec Alexander Knox, un rédacteur trouillard, mais pertinent. « L’homme chauve-souris », devant lequel la racaille de Gotham tremble de tout son corps, intrigue follement le duo qui part à sa recherche. Ah si, autre chose : Vicki est belle. Divinement belle! Vicki Vale, c’est Kim Basinger. Un rôle qui, au départ, ne lui était pas destine. Ce n’est qu’un vendredi d’octobre 88, alors que le tournage de «Batman» a déjà commencé dans les gigantesques studios de Pinwood, près de Londres, que Jon Peters, l’un des producteurs, lui téléphone. Sean Young, qui devait incarner la journaliste dont Batman s’éprend vient de se casser un bras. Elle est hors course. Kim, qui n’a pas lu le scénario et ne connait pas son rôle, doit se décider rapidement. Le lundi, elle tourne sa première scène face aux caméras de Tim Burton. Déclarer que l’héroïne de «Neuf semaines et demie» doit sa prestation de Batgirl au hasard est à moitié faux. D’âpres Peters, c’est Kim, la première, qui avait été pressentie pour incarner Vicki Vale alors que le film était en pré-production. «J’ai longtemps essayé de rencontrer ses agents, mais ceux-ci refusaient de me présenter Kim dans l’optique ou je n’avais encore rien de concret lui proposer», affirme le producteur. Si la presse, dans son ensemble, a quelque peu occulte la prestation de Kim Basinger dans «Batman», c’est qu’entrée de plain-pied dans la Batdanse, elle était bien trop occupée à babiller sur la Batmania et ses ravages. Pourtant, c’est avec le naturel et la sensualité que nous lui connaissons que Kim prend les traits de Vicki. Performance, clame la presse féminine, seule ou presque parler de l’actrice! Belle interprétation dirons-nous. Forcement, c’est d’abord par sa légendaire beauté que Kim attire l’attention. Étouffé, ainsi que Michael Keaton, par un Jack «Joker» Nicholson extraordinaire de folie, il n’en reste pas moins que sa composition doit être jugé à sa juste valeur. Dana « Batman », Kim Basinger n’a qu’un troisième rôle. Vicki Vale, dont Bruce Wayne, alias Batman, se contente de déclarer «qu’elle est formidable» est beaucoup plus intéressante lorsque la belle abat son «Joker» : «Quelle fille, quelle classe!

Une superbe panthère (…), c’est difficile de respecter les courbes (…), elle mérite le haut de gamme (…), je me sens d’humeur a faire des folies de mon corps», affirme en substance Nicholson, flanque d’un incroyable rictus en découvrant une photo de la journaliste. Celui qui «fait de l’art jusqu’à ce que mort s’ensuive» et qui envie les «fantastiques jouets» de son rival est véritablement vampirisé par cette femme en quête du prix Pulitzer. On le serait à moins. Tous les charmes de Kim emplissent l’écran. Chacune de ses apparitions est nimbée de lumière. Femme fatale sur pellicule une fois de plus, le travail de Miss Basinger est pourtant loin de se résumer à cette prestation, aussi remarquable soit-elle. Au sein de l’équipe de «Batman», tous s’accordent à déclarer que l’influence de l’actrice sur le film fut capitale. «Elle n’a eu de cesse d’aider chacun sur le tournage», affirme Tim Burton, le réalisateur. « Dans la scène du musée, par exemple, elle rend le personnage du Joker encore plus effrayant qu’il ne l’est déjà. Tout en me .demandant perpétuellement de mettre l’accent sur la love-story, entre elle et Bruce Wayne, elle a permis au film d’être beaucoup plus réaliste qu’il ne devait être». Même son de cloche chez Jon Peters : « [‘apparition de Kim au troisième acte, au sommet de la cathédrale, n’avait pas été prévue dans le script. C’est elle qui nous a convaincus». Quoi qu’il en soit, la présence de l’ex-James Bond girl confère au superhéros un côté humain beaucoup plus prononce. Amoureux, il flirte alors dangereusement avec la fragilité. Et lorsqu’il s’offre un discret «CRAC, BOUM, HUE» avec Vicki Vale, ses « POW, BAM, ZAP» perdent de leur efficacité. On ne saurait l’incriminé. Pour être Batman, il n’en est pas moins homme.

Une voiture sans escorte attendait Bruce à l’aéroport. Elle le conduisit en plein centre-ville jusqu’au plus beau bâtiment de la côte. Une noble bâtisse qui alliait avec force le charme des siècles passés et la sobriété des architectures modernes. Le portail électrique se referma derrière lui : Bruce Wayne allait assister au Cahsh, le Congrès annuel des héros et super-héros. Chaque année, depuis plus de soixante ans, une foule d’invitations minutieusement étudiées sont lancées à travers l’univers espace-temps pour concentrer en un lieu secret force, justice, intelligence et pouvoirs spéciaux. Goldorak go ! De toute évidence, la date et le lieu de cette rencontre sont tenus secrets. Mister Cosmic, l’organisateur, ne laisse rien au hasard. Des téléphonistes installent dans toutes les salles de conférence reçoivent des appels de partout pour parer aux éventualités : cataclysmes divers, guerres, incendies, invasions martiennes… En ce cas, ils sont tous prêts à intervenir ensemble : Superman, Mandrake, Batman et les autres. Suivant l’actualité, des thèmes divers sont étudiés et des spécialistes en tout genre assurent les débats : docteurs, physiciens anthropologues, chimistes, cinéastes et vidéastes. Succès total : ils sont venus, ils sont tous là. Une foule de trois cents personnes, selon l’organisateur, s’est réunie aujourd’hui dans la salle 1515 (Marignann, pour écouter Maitre Spielberk lancer le sujet : «La BD au cinéma» ou «Du neuvième aux septièmes arts » Voici un court échantillon de ses déclarations… «Chers auditeurs, nous le savons tous, le débat d’aujourd’hui n’est pas un thème essentiel pour la survie de l’être humain, mais il est important à un niveau plus artistique. Ce n’est pas la question fondamentale enfouie dans l’inconscient de chaque superhéros.»

Steven SpielbergIntervention coléreuse de Tarzan : « Pourriez-vous, cher M. Spielberg, vous souvenir qu’il n’y a pas que des superhéros dans cette salle et que le monde de la BD est parsemé de ces héros sans pouvoir surnaturel dont la force ,et l’honneur sont largement comparables à ces merveilleux fous volants! De nombreux réalisateurs l’ont compris, ce qui m’a valu, en toute modestie, des succès incomparables au cinéma. Moi Tarzan, toi Jane». «Je vous prie de m’en excuser, Lord Greystoke. En effet, à la première apparition, en 1929, de vos aventures en bande dessinée, vous étiez déjà un personnage popularisé par le cinéma, et la série des Johnny Weissmuller, dès 1934, connut un succès gigantesque.

Le phénomène est assez original, vous êtes avant tout un héros de littérature… » Flash Gordon, amusé : «Pourquoi ne parle-t-on pas de cette fameuse adaptation un peu osée avec Bob Derek, mon cher Maître? Tarzan aurait-il peur du ridicule?» Maître Spielberk : «Je crois tout simplement que ce chef-d’œuvre , en péril n’a rien à voir avec la bande dessinée et. Puisqu’on parle de ridicule, je vous rappelle, M. Gordon, la piètre adaptation de vos aventures par Mike Hodges en 1979, ou même la beauté de vos partenaires, telle Ornella Muti, ne sauve, hélas, en rien le film.» Tarzan, énervé : «Ah! je ris de te voir si bête en ce miroir, Flash. Le cinéma n’est pas toujours le reflet idéal de la bande dessinée. As-tu oublié toi aussi la version X où tu luttes, invincible, contre un rayon sexuel?» «Ouh! la honte», crient en cœur Wonder Woman et Supergirl. Et Barbarella d’insister : «T’inquiètes pas Flesh, oh pardon, Flash, ils ont fait une suite de tes histoires sensuelles. »Le retour de Flesh Gordon », c’est pour bientôt, mais ce n’est pas porno! T’en as de la chance.» « Mesdames, un peu de calme. Stoppons là les règlements de comptes stériles et trouvons des exemples concrets. Qui, dans l’assistance, pense avoir réussi, au cinéma, une bonne reconversion?» Superman se lève et tout le monde s’arrête de parler. «Y ‘ a pas à dire, il en impose ce mec!» (Bribes de conversation entre Sheena et Brenda Starr). «Moi, sans aucun doute, Mister Spielberk. Mon personnage a plus de cinquante ans et c’est une nouvelle popularité que lui a donné le cinéma il y a quelques années. Je suis moins satisfait des deux derniers épisodes de la série, mais le tout premier, réalisé par Richard Donner en 1978, est un petit bijou d’adaptation réussie. Un seul regret, Margot Kidder n’est pas très convaincante en Lois Lane, mais mon personnage est perfecto ! Je remercie Christopher Reeve. C’est d’ailleurs un peu le cinéma qui est à l’origine de mon histoire puisque mon costume est inspiré du « Robin Hood » de Douglas Fairbanks, mon nom de reporter Clark Kent est une combinaison de Clark Gable et Kent Taylor et c’est l’univers de Fritz Lang qui nous a fourni Metropolis». «Tout le monde n’a pas eu ta chance, enfant de Krypton.

Wonder WomanMoi, Sheena, reine de la jungle, je ne suis pas très fière de ce que le septième art a fait de moi. À mon avis, il manquait de conviction à mon égard et je suis apparue à l’écran comme une vulgaire Tarzane body-buildée!» « Mais c’est tout ce que tu es, ma pauvre Sheena», réplique Wonder Woman. « Ma p’tite Wonder, quand on n’est capable d’inspirer uniquement des feuilletons de série B pour le petit écran, on calme sa joie. Amazone de seconde zone! Tu ne tiendrais pas un round contre moi malgré tes superpouvoirs…» «Calmez-vous, Sheena, vous n’êtes pas la seule adaptation ratée. Il faut avouer que l’art de passer de la BD au cinéma est difficile, même si les structures de ces deux moyens d’expression sont très proches. Leurs relations passionnelles font penser à deux enfants élevés séparément, l’un par la mère, l’autre par le père, qui se retrouveraient pour les week-ends et les vacances. Bien des projets durent avorter tels « Blueberry » de J. Giraud ou encore « Blake et Mortimer » de E.P. Jacobs, tous deux pressentis pour le grand écran.

Les meilleurs albums ne donnent pas forcément naissance à des scénarios époustouflants et, malgré un travail déjà bien mâché, les story-boards qu’offrent les bandes dessinées peuvent très bien être mal exploités. Le cliché du Bien contre- le Mal, les beaux décors, les trucages, let luttes endiablées, ça ne suffit pas toujours. Tintin, Lagaffe, Spiderman, Howard the Duck et même le Popeye de Robert Altman ne furent pas des réussites flagrantes». Tintin, caché par la carrure verdâtre d’un Hulk en grande forme intervient : «Ne peut-on voir le problème sous un autre aspect ? N’y a-t-il pas un côté positif à animer le dessin, l’humaniser? À mon avis, c’est une autre dimension qui s’offre à un public d’ailleurs bien plus nombreux que les lecteurs de petits miquets». Hulk, déchaîne : « Le cinéma, c’est la publicité de la bande dessinée !» Tintin reprend : «Puisqu’on parle de publicité, tu ferais mieux de te calmer, très cher Hulk. Le maïs du géant vert, ça te dit quelque chose ? Dans ton cas, on appelle ça de la publicité ratée. Petit ou grand écran, tous deux n’ont malheureusement servi qu’à ternir, puis ridiculiser ton image. J’ai appris, Mister Spielberk, qu’un grand réalisateur dont je tairai le nom (« E.T. », « La couleur pourpre », « Les aventuriers de l’arche perdue ») avait acheté depuis longtemps les droits d’adaptation de mes aventures. Va-t-il les laisser dormir longtemps dans un tiroir?» Mr. Spielberk lui répond : «C’est un pari difficile, mais je crois que l’idée n’est pas tout à fait abandonnée, juste ajournée. Peut-être a-t-il peur de l’échec, c’est pour cette raison qu’il s’essaie en laissant apparaitre l’esprit de Herge dans sa série des Indiana Jones… Une mise en scène, aussi parfaite soit-elle, ne remplace pas toujours un graphisme particulier, un dessin original.» Dick Tracy, dans son imper jaune, s’avance : «C’est pour cette raison que Warren Beatty, qui a adapté mes planches, a choisi de n’utiliser que huit couleurs en tout et pour tout dans son film. Pour ne pas perdre l’esprit… Des personnages ont des visages déformés selon leur moralité : Al Pacino alias Big Caprice, mon ennemi, devient, par ce procédé, méconnaissable. Tout ceci est tout à fait dans l’idée du dessin».

Lucky LukeMister Spielberk reprend la parole : «Vous avez compris, au-delà d’un bon scénario, de couleurs bien étudiées, de décors parfaits, c’est tout un esprit qu’il faut respecter quand on veut passer du cinéma à la BD, ou alors il faudrait n’utiliser que l’idée, le sujet. Mais n’est-ce pas un peu une trahison? Imaginez-vous que même l’acteur Terence Hill s’est pris au jeu : il est actuellement en tournage pour une adaptation de Lucky Luke.» Lucky Luke révolte : «Quoi? Dites-moi que ce West pas vrai, Mister Spielberk, ou je lui troue la peau! Il ne me ressemble même pas. Honte sur moi et le western tout entier. Il est capable de me faire manger des spaghettis. J’espère au moins que ce n’est pas Bud Spencer qui joue Jolly Jumper!» Et Astérix de dire : «Ils sont tous ces humains…» «Assez!». Une voix surgit du fond de la salle : «Je suis Conan le barbare et mon film est une réussite. Le choix de l’acteur pour le rôle principal d’une adaptation est déterminant, et même s’il n’est pas directement lie à l’échec d’un film, il contribue à son succès. C’est le cas d’Arnold Schwarzenegger qui a admirablement animé mon personnage de Conan, donnant au film la puissance nécessaire».

Bruce-Batman-Wayne se sent concerné : » la polémique engagée sur le choix de Michael Keaton pour interpréter mon rôle a fait couler beaucoup d’encre : trop chétif, trop petit, ridicule, inexpressif ou impeccable, humain, très crédible, plein de charme. C’est peut-être à moi de juger? Sincèrement, je dois avouer que le premier choix fait par le réalisateur ne m’aurait pas déplu. J’aurais bien vu Mel Gibson en costume de chauve-souris!» Intervention du meneur de débats : « La polémique n’est pas venue que du choix de l’auteur, M. Wayne. C’est sur le film tout entier qu’il y a eu controverse, ce qui ne l’a pas empêché de battre des records d’entrées gigantesques, faisant de vous une star et donnant à Kim Basinger, et surtout à Jack Nicholson, deux rôles en or. Warren Beatty t’est choisi lui-même pour interpréter Dick Tracy et ce n’est pas une erreur, bien au contraire.» Dick Tracy relance : « Et Madonna en Breathless Mahoney n’est pas mal non plus, même si le choix n’est dû qu’à un coup de cœur (ou de queue) !» Le Punisher, silencieux jusqu’à maintenant, se lève: «Incarner un homme blessé qui se transforme en justicier impitoyable, car seule son idée de vengeance le maintient en vie n’est pas un travail facile, c’est ce qu’a fait Dolph Lundgren en s’identifiant Frank Castle, puis au Punisher. Ce n’est pas un grand rôle à texte, c’est évident, mais l’acteur a su, au-delà des faiblesses du film, donner un côté meurtri à mon personnage.

Et son physique, comme celui d’Arnold Schwarzenegger pour Conan s’y prêtait bien.» Alerte rouge, danger immédiat! Trois cents têtes se lèvent vers les écrans de contrôle et attendent des instructions. Les regards se croisent et les rancunes vont s’effacer. Héros et superhéros ne sont pas de vulgaires acteurs de cinéma. S’il faut lutter, ils lutteront ensemble. Sur l’écran de la salle 1515, apparait M. Comic, effrayé : « Écoutez tous, préparez-vous à intervenir : j’apprends à l’instant que Mikhail Gorbatchev, George Bush et François Mitterrand viennent de commencer le tournage d’un remake des Pieds Nickeles, la célèbre bande dessinée. Il faut à tout prix arrêter ça !»

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